Force des choses, quand on est arrivé au terme d'une histoire, soit l'histoire était fade et sans intérêt, on ferme alors et on pose le livre loin des yeux, peut-être même en s'en sépare, soit on garde quelques pages ouvertes pour y relire, pour se replonger, soit ... on espère que l'histoire aura un deuxième, troisième ... tome et que les héros délaissés se retrouveront dans quelques temps pour continuer à vivre ensemble d'autres aventures.
Ceci ne vaut que pour les belles histoires, celles qui vous prennent les par les tripes, celles qui vous font passer des nuits d'insomnie, des nuits de lecture, des nuits blanches... Les histoires qui semblent évidentes, celles qu'on veut voir prolongées ... celles qui "en valent la peine" qu'on y revienne.
Il y a aussi les livres d'enseignement, divers, mal aimés... les livres souvent fades, sans peps, sans mouvement, enchaînements insipides de textes qui n'ont été posé sur papier QUE pour transmettre du savoir ... on les suit pour leur unique but, s'approprier un nouveau savoir, rafraîchir celui qui nous reste.
Les livres qui vous gardent en haleine sont rares, parce que tout le monde ne va pas aimer LE même livre, forcément, il y a des accords, des stimuli, qui doivent se rencontrer, forcément la chimie entre auteur et lecteur doit correspondre ... et si c'est la cas, l'expérience devient inoubliable.
Il y a les livres "à la mode", les livres "qu'on se doit de lire", les livres qu'on a parce que "tout le monde" les a, les livres "pour avoir un livre"... livres d'apparat, coffee table books. Remplir les rangées des bibliothèques, épater les visiteurs, avoir quelque chose sous la main en cas de besoin, combler les vides ...
Livres sensés pour donner "du goût", de "l'élégance", du "standing", du "savoir-vivre", livres vous garantissant le respect de vos amis, livres vous garantissant votre statut de "lecteur", même si vous ne faites plus rien d'autres que les épousseter, les astiquer avant les fêtes, même si leur présence vous cause plus d'ennui que d'enthousiasme ...
Les livres qui font bien avec l'intérieur, avec le canapé, avec le petit meuble de style xy...
Les livres de jardin, ceux qui restent dehors à prendre le soleil, qui perdent leur couleur, leur attributs, leur attirance...
Il y a ceux qui vous ont marqués à jamais, histoires drôles, macabres, déjantées, à faire peur, à pleurer à grandes larmes, les livres qui vous ont fait grandir, un peu, beaucoup. Livres de jeunesse qui réapparaissent sans crier gare, livres de vos "avant 20 ans" que vous avez rechigné à consulter, par peur de vous y perdre, par mégarde envers un auteur inconnu, vos années sans prise de risque, vos années de lecture de monsieur et madame tout-le-monde...
Et cette fois-ci, vous vous y perdez, vous vous y trouvez, vous y prenez plaisir et vous ne faites plus rien d'autre que vous languir vers la prochaine escapade lecture, la prochaine petite heure grappillée ci et là, quelques minutes volées au temps, quelques minutes en dehors du réel...
Vous appréciez le style de l'écrivain, même s'il est opposé au vôtre, à vos habitudes, à vos expériences antérieures... vous mettez quelque pages avant de vous laisser imprégner par son univers, univers parfois si sombre que vous craignez de sombrer aussi. Quelques phrases gravent leur sonorité en vous, vous vous ne lassez pas de revenir sur un passage, de lire très lentement pour en tirer chaque mot, chaque tournure, chaque image...
Comme tout ce qu'on aime par-dessus la raison, vous vous accrochez aussi avec certaines manies, elles vous agacent, elles vous font tiquer, elles vous font douter un peu aussi. Les manies qui sont ce qu'elles sont, des manies, chose qu'on ne peut s'empêcher de faire, d'écrire. Des actes posés entre les mots magnifiques.
Arrivent les dernières pages, arrive la fin, arrive le temps du deuil... et l'espoir que cet auteur méconnu encore il y a peu, veuille bien se lancer dans une autre aventure, dans une autre histoire, dans une suite sans fin.
On peut détester sans dés-aimer, on peut réagir violemment sans aucune retenue, on peut laisser sortir le trop plein, la goutte qui fait déborder, le mot qui fait monter les démons ... et revenir en catimini pour se glisser entre les pages en espérant que l'auteur ne vous en tiendra pas compte d'avoir eu l'envie irrépressible de jeter son oeuvre et son talent ...
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